Je suis en train d'expliquer la conception de la laïcité tchadienne". Nous verrons que s'il existe une contrariété potentielle de la conception française de la laïcité avec le droit européen, celle-ci est à l'heure actuelle minimisée par l'existence d'une forte convergence de valeurs entre ces deux conceptions (I). ». Alors que le système français privilégie l’égalité devant la loi quelles que soient les convictions religieuses de chacun, le système américain s’appuie sur le principe de non-discrimination, invoqué lorsque les autorités publiques sont accusées de manquer de bienveillance à l’encontre d’un culte déterminé. Elle écrit : "Je suis citoyenne française, en même temps que croyante, chrétienne de conviction, activement attachée à la laïcité à la française." Les catholiques avaient retrouvé leur place dans la société française avec la Première Guerre mondiale, qui fut un creuset de réconciliation nationale. Mais les règles qu’elles imposent à leurs membres ne sauraient aller à l’encontre de l’ordre public, tel qu’il est défini par l’État et contrôlé par la Cour. Il est aconfessionnel, ce qui signifie qu’il n’entretient pas de lien avec les différentes Églises. Emmanuel Brenner, Les Territoires perdus de la République, Mille et Une Nuits, 2002 ; nouvelle édition, Fayard, « Pluriel », 2015. Dans sa déclaration du 13 novembre 1945 sur la personne humaine, la famille et la société, l’épiscopat français définit la laïcité comme une valeur légitime selon deux définitions: le droit de chaque citoyen de pratiquer la religion de son choix (ou de n’en pratiquer aucune), et d’autre part, «la souveraine autonomie de l’État dans son domaine de l’ordre temporel, son droit de régir seul toute l’organisation … Histoire d’une singularité française. Certaines collectivités d’outre-mer se situent également hors du régime de laïcité: du fait de l’incapacité pratique de l’État à organiser un maillage efficace du territoire, notamment au niveau des écoles, l’Église catholique bénéficie d'un financement public en Guyane, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna. Le Conseil Français du Culte Musulman, bien qu’il ne soit pas totalement représentatif du paysage complexe de l’islam en France, s’est progressivement imposé comme l’organe de contact pour les responsables politiques. Et la laïcité devient ainsi "inclusive", "ouverte", "tolérante", etc. D'après le … D’autres clivages existent : dans l’imprégnation religieuse d’abord, car le catholicisme s’est imposé dans certains États dès la fin de l’Empire romain alors que certains espaces de l’Est européen n’ont été conquis qu’au XVIIe siècle ; dans le traitement juridique du fait religieux aussi, car certains États ont privilégié une religion d’État alors que d’autres s’efforçaient d’organiser un statut des cultes en garantissant les droits des religions minoritaires. Ceux-ci plaident volontiers devant la Cour européenne des droits de l’homme en s’appuyant sur une conception de la liberté religieuse inspirée directement du système américain. Pie XII, lui-même fin diplomate, confiera au futur Jean XXIII, Mgr Angelo Roncalli, nommé nonce apostolique en France, le soin d’arrondir les angles après les fractures de la Seconde Guerre mondiale. Petit état des lieux de ce que pensent les Français, et plus spécifiquement les sympathisants de La République en marche, quand on leur parle de laïcité et d'une éventuelle modification de la loi de 1905. La laïcité à la française, ... en chef du New York Times pour expliquer la conception française de la laïcité, et lui-même n’a aucune raison de se dispenser de ce travail. Mais, pour y arriver, il faut aussi s'entendre sur la conception de la laïcité que la République doit proposer. Pour sa part, l’Église catholique est apparue comme une institution pourvoyeuse de sens et de consolation, avec des symboles marquants comme la Marseillaise jouée à l’offertoire lors de la messe célébrée à Notre-Dame-de-Paris le 15 novembre 2015, deux jours après les fusillades qui avaient fait 130 morts dans la capitale française. Un tel dispositif déployé pour un homme politique qui se disait détaché de la foi, mais qui assumait néanmoins une recherche mystique dans les dernières années de sa vie, montre que la République a besoin de sacré pour s’incarner. Mais, pour y arriver, il faut aussi s'entendre sur la conception de la laïcité L’absence de standard européen en matière de laïcité ne doit pas surprendre. En quoi la conception française de la laïcité, issue d'un combat contre l'Église catholique, a-t-elle des difficultés a être remise en cause aujourd'hui au sein d'un paysage Les pères fondateurs de la démocratie américaine ont donc voulu mettre chaque religion à l’abri d’éventuelles persécutions étatiques en posant un principe de non-intervention. Nous avons appris à vivre en régime de séparation et à goûter la liberté qu’y trouve l’Église de vivre sa vie propre, non pas hors de l’État mais sans sa contrainte, non pas contre la société mais en son sein, en servant sa cohésion, mais selon la dynamique propre de la foi en l’Évangile du Christ et de la dilatation du cœur et de l’action que nous en recevons. L'Église est considérée comme y exerçant des missions de service public. Les dictionnaires retiennent en général des définitions institutionnelles. Gilles Kepel, Les Banlieues de l’islam, Naissance d’une religion en France, Le Seuil, 1987. Pour Philippe Raynaud, la laïcité est tout dabord un phénomène de sécularisation entamé lors des guerres de religion au seizième siècle. La laïcité « à la française » : histoire et idéologie La Révolution, entre « religion civile » et laïcisation. Le modèle français de laïcité repose sur la liberté de conscience : chacun a le droit d’avoir une religion ou de ne pas en avoir, d’être agnostique ou athée. L’État n’est donc pas areligieux au sens où l’entendait Aristide Briand en France. Pour comprendre la conception de la laïcité en France, il est essentiel de s'intéresser à l'origine du mot « laïcité » en lui-même. Publié le : 09/11/2020 - 17:29 Modifié le : 12/11/2020 - 13:54. La Cour européenne refuse cependant de mener à son terme cette logique communautaire. Elle ne fait pas référence à la laïcité et n’exclut pas la possibilité de négocier des "accommodements pour motifs religieux", dès lors qu’ils respectent l’égalité entre les femmes et les hommes et le principe de non-discrimination. Car sa jurisprudence ne témoigne plus seulement d’une opposition entre le modèle français de laïcité qui protège l’État contre les ingérences religieuses et le modèle séculariste qui protège les religions contre l’État. La loi québécoise se réfère directement à la "neutralité de l’État". Espérance de vie en bonne santé : l'écart s'amenuise entre femmes et... L'intelligence artificielle, avec ou contre nous ? Là encore, la CJUE reprend la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Les congrégations françaises se sont ainsi rapidement implantées et développées jusque dans des terres lointaines où elles ont fait souche. Elle s’engage désormais, il est vrai de manière très ponctuelle, dans une troisième voie qui accepte la soumission des États aux exigences religieuses. Le rythme des rencontres s’est accru depuis la série d’attaques terroristes de 2015-2016. Mais, alors, que dit vraiment ce texte, aux fondements de la conception française de la laïcité ? La séparation entre Église et État a été, en France, une opération très douloureuse. . Elle écrit : "Je suis citoyenne française, en même temps que croyante, chrétienne de conviction, activement attachée à la laïcité à la française." Le principe de laïcité et la neutralité qu’il impose sont alors perçus comme le moyen d’assurer l’égalité devant la loi et de garantir le respect de toutes les convictions. Donc tous ces affirmations, en réalité, justifient le refus de la liberté de conscience pour l'autre. C'est en tant que croyante que Marie-Christine Bernard défend la conception française de la laïcité. Les origines de la laïcité remontent aux guerres de Religion, où la puissance royale commence à s'émanciper de l'autorité de l'Église. Car si la neutralité de l’État s’inspire du système français, la notion d’accommodements pour motifs religieux se rapproche du sécularisme américain. Au niveau européen, le terme "modèle de laïcité" a été employé, à propos du modèle français, par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Pour elle, la laïcité n'est pas une "opposition aux religions", au contraire c'est ce qui "permet la religion". L’instrument juridique de mise en œuvre de la laïcité est la neutralité. Le système sanitaire international à l’épreuve du Covid-19, Trois questions sur le 9 décembre, journée de la laïcité, Participez à l’enquête sur les revues et ouvrages de La Documentation française, l’État respecte toutes les croyances et n’en reconnaît officiellement aucune, Direction de l'information légale et administrative. «Je crois que dans certains pays comme en France, cette laïcité a une coloration héritée des Lumières beaucoup trop forte, qui construit un imaginaire collectif dans lequel les religions sont vues comme une sous-culture», regrettait-il. Au cours des combats de 1914 -1918, de nombreux soldats français ont voué un culte étonnant et particulier de ferveur à Thérèse de Lisieux, qui a vu sa popularité progresser dans ce contexte. Dans sa jurisprudence (affaire Serife Yigit c. Turquie de 2010 et affaire Z.H. Les Papes de l’époque contemporaine en ont identifié la racine dans les Évangiles. Elle est pourtant parfois instrumentalisée dans un langage très restrictif voire humiliant pour certains croyants. L’actuel Pape émérite, qui est membre d’honneur de l’Académie des Sciences Morales et Politiques au sein de l’Institut de France, est un bon connaisseur de la subtilité juridique mais aussi philosophique qui entoure ce concept de laïcité. Publié le Or, tout change avec la crise provoquée par la dissidence de Luther et de Calvin, car les églises réformées survivent au conflit et à la répression, quitte à devenir elles mêmes aussi intol… Il est illustré par la formule d’Aristide Briand : "L’État n’est ni religieux ni antireligieux ; il est areligieux. Ce principe constitue une spécificité du "modèle français". Un article de la revue Éthique en éducation et en formation (Laïcité, neutralité, diversité et formation au vivre-ensemble) diffusée par la plateforme Érudit. En vérité, j’ai une fidélité inaltérable pour l’ouvrier-menuisier communiste de Vitry-sur-Seine qui, en déportation, a refait le chapelet de l’abbé, arraché par les nazis.» Une phrase qui montre le paradoxe d’une certaine mentalité française, en tension perpétuelle autour de ces notions de laïcité et de séparation du religieux et du politique, mais qui sait aussi reconnaître la valeur de la foi et du sacré et, parfois, qui ose libérer quelques espaces pour le passage de Dieu. Le modèle français de laïcité repose sur la liberté de conscience : chacun a le droit d’avoir une religion ou de ne pas en avoir, d’être agnostique ou athée. Dans sa Lettre aux évêques de France du 11 février 2005, à l’occasion du 100ème anniversaire de la loi de séparation de l’Église et de l’État, saint Jean-Paul II en soulignait les aspects positifs: «Le principe de laïcité, s’il est bien compris, appartient aussi à la Doctrine sociale de l’Église. L'ensemble des rapports publiés par les institutions publiques, Répertoire des débats et consultations citoyennes, Les textes des principaux discours publics, Modèle français ou américain : les conceptions de la laïcité divergent en Europe, L'État et les cultes - Laïcité et loi de 1905, Salariés du secteur privé : un salaire moyen en hausse de 0,4% en 2018. La Cour européenne se rapproche alors du système américain, qui reconnaît comme religieux tout groupement qui le demande et qui peut ainsi bénéficier des avantages liés à une telle qualification, notamment sur les plans de la liberté de culte et de la fiscalité. La laïcité est souvent revendiquée par les responsables politiques français comme un socle de la démocratie et de l’harmonie de la société. Sans atteindre des degrés aussi dramatiques, certaines polémiques récentes, notamment sur la présence des crèches dans les espaces publics, montrent que le principe de laïcité glisse parfois vers des interdictions absurdes et difficiles à justifier. De cette conception française de la laïcité, il en résulte que : la laïcité n’est pas l’ennemie des religions : la laïcité n’est ni pro, ni antireligieuse ; la laïcité n’est pas une idéologie ou une opinion concurrente des autres. La "neutralité indifférente" et l’État areligieux chers à Aristide Briand sont dénoncés comme autant d’atteintes à la liberté religieuse. "Le vendredi, on finit à midi, c'est pour permettre aux musulmans d'aller prier. L’intervention de l’État dans la liberté religieuse n’est pas totalement écartée. Aux articles « Laïcité » et « Morale civique (instruction) » 5, ce républicain et protestant libéral dévoile la matrice de sa conception, la philosophie morale d’Emmanuel Kant. 15 minutes. Il rappelle la nécessité d’une juste séparation des pouvoirs qui fait écho à l’invitation du Christ à ses disciples: “Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu” (Lc 20, 25).», Cette argumentation fut reprise par Benoît XVI devant le président Nicolas Sarkozy lors de leur entretien au Palais de l’Élysée, le 12 septembre 2008. Extrait ️ 4m41s - Dans la lutte contre l’islamisme, la France se retrouve un peu seule. Si l’on réduit le champ de l’étude aux seuls États qui revendiquent une séparation entre les Églises et l’État, de solides divergences subsistent aussi. Réflexion sur la laïcité au sein de la politique française. Derrière la laïcité "plurielle" apparaît le choix du multiculturalisme, les différentes confessions étant considérées comme autant de communautés, dont il convient de respecter les mœurs et les règles, quelles qu’elles soient. Au contraire, il doit protéger les religions contre les interventions étatiques. Près de neuf mois après sa parution, alors que la France est sous le choc de l'assassinat de Samuel Paty*, le débat sur la laïcité à la française est plus vif que jamais. « La laïcité c’est la France ! Audio 29:30 . et R.H. c. Suisse de 2015), la Cour ne rejette pas entièrement le modèle communautaire. Observation d’autant plus déterminante que ce qu’on peut appeler les extrémistes musulmans ou l’islamisme ou l’islam politique – faut-il encore une fois rappeler qu’il ne s’agit pas de l’islam en tant que tel ? Les débats actuels sur la place de l’islam montrent bien la difficulté et l’importance pour les responsables politiques de trouver des interlocuteurs institutionnels auxquels se référer. Autre signe de cet attachement aux symboles catholiques, les obsèques des présidents donnent souvent lieu à un déploiement liturgique parfois déroutant pour des journalistes et des responsables politiques peu aptes à en saisir le sens, comme ce fut palpable lors des obsèques de Jacques Chirac en 2019. De cette conception française de la laïcité, il en résulte que : la laïcité n’est pas l’ennemie des religions : la laïcité n’est ni pro, ni antireligieuse ; la laïcité n’est pas une idéologie ou une opinion concurrente des autres. Elle évite néanmoins d’avoir à se prononcer sur des questions de principe. Le mot désigne par extension le caractère des « institutions, publiques ou privées, qui sont indépendantes du clergé et des Églises »1. L’influence du système américain en Europe est telle que le principe de non-discrimination est désormais invoqué à l’encontre de la laïcité. L’hystérisation de la laïcité a contaminé au moins deux régions qui se réclament de la culture française : la Belgique Francophone et le Québec. Les références religieuses sont nombreuses notamment dans la devise nationale In God We Trust. Le conflit se développe aussi sur un plan plus étroitement terminologique. La voilà, la saine laïcité!», précisait François avec humour. L’ancien ministre communiste Jack Ralite, peu avant sa mort en 2017, donnait cet éclairage poignant sur le sens de son engagement politique: «Ce n’est pas parce qu’il y a du désaccord qu’il doit y avoir du désamour. Alors que la liberté de conscience insiste sur le caractère intime de la foi, et sur le droit d’avoir des convictions religieuses ou de ne pas en avoir, la liberté de religion évoque celle de pratiquer un culte et de l’afficher publiquement. Le modèle américain de sécularisme, quant à lui, ne concerne que la liberté de religion et s’applique, de manière plus institutionnelle, aux relations entre les Églises et l’État.